june21

pour la première fois, je ne bus pas le premier verre que l’on m’apporta au Caffè Faraglia. Juste en face de moi, un calendrier était accroché au mur. Je fixai, tétanisé, la date du jour. 21 juin 1928. — Eh, les gars, Gulliver fait une drôle de tête. Ça va, mon vieux ? 21 juin 1928. Je n’étais pas là par hasard. Tout m’avait amené à ce mur. À cette éphéméride de papier bon marché illustrée de caricatures salaces. — T’as vu un fantôme ou quoi ? — Oui. Des années d’oubli cédèrent, emportées par un souvenir d’une violence de déluge. Mon désir de souillure, mon indifférence au succès, mon engourdissement dans l’alcool, la coco, les princesses serbes passèrent devant moi en un fleuve furieux. La suite se jouait maintenant. Si j’arrivais à temps. Je bondis de mon siège et partis en courant. Une heure plus tard, je quittai Rome sans un regard en arrière. Mikael, mon chauffeur, fonça vers le nord, sur des routes bosselées et blanches de poussière.

Etching of the sun